Blog Culture Martienne

Planète Mars et martiens dans l'imaginaire et la culture populaire / Planet Mars and martians in popular culture

Blog Culture Martienne

Claude l'Invincible / I, Claude (1955) Chad Oliver & Charles Beaumont

Résumé
Dans un New-York (Nyawck) futuriste, Claude, du haut de sa tour, est une sorte de Roi, voire de Dieu, autoproclamé. Mais vient le jour où ses sujets se rebellent. Il quitte la planète avec son vaisseau spatial en ayant avant congédié sa femme Eve qui tentait de le suivre. Une fois dans l'espace, il essuie une mutinerie et préfère s'éjecter dans le vide vêtu de sa combinaison d'astronaute plutôt que d'être rétrogradé. Après quelques temps d'errance dans le vide interstellaire et après avoir manqué de tomber dans le Soleil, il opère une ultime manœuvre - grâce à un Manuel de la navigation sidérale dans les cas d'urgence présent dans sa poche et à un siphon d'Eau de Seltz (oui, oui) - qui le projette sur la planète Vulcain (appelée par ses habitants Sarboom).
Une fois au sol, il porte secours à Woola une femme assaillie par des monstres à dix jambes. Il fait la connaissance de leur chef, Karskarskas, avec qui il se bat. Après le combat, il s'enfonce dans la Forêt des Ténèbres où il tombe sur une assemblée étrange autour d'un feu de camp. On y trouve Ray Bradbury entouré d'un grand nombre de personnages de fiction et de leurs auteurs. S'emparant des livres correspondant et les jetant au feu, Claude fait disparaître tout ce joli monde.
Il est accueilli en héros par Karskarskas qui, pour le remercier d'avoir éliminé les monstres de la Forêt, le proclame Empereur de Sarboom. Woola se donne aussi à lui. Les années passent et Claude s'ennuie. De l'Observatoire Royal, il détecte sur la Terre lointaine des explosions atomiques, fait construire un vaisseau de verre, dit adieu et s'envole vers la Terre. Cette dernière est ravagée et Claude se retrouve le dernier homme mais c'est sans compter sur Woola qui a voyagé avec lui clandestinement.


Arrow Même si cette nouvelle n'est pas martienne, il est inconcevable de ne pas la présenter puisqu'elle pastiche et rend hommage à plusieurs reprise au Cycle de Mars d'Edgar Rice Burroughs. John Carter est avec les tripodes d'H.G. Wells, une figure emblématique de la culture martienne. Il est encore très souvent pastiché de nos jours (voir La guerre des mondes n'aura pas lieu de Johan Héliot, par exemple).

Dans leur nouvelle, Chad Oliver et Charles Beaumont distillent à tout va des références de la pulp culture dans ce pastiche de roman d'aventure. Ils évoquent Isaac Asimov et ses Asenion (robots répondant aux trois lois de la robotique), H.G. Wells et sa Machine à voyager dans le temps, Alfred Bester et son Homme démoli et même la célèbre série TV de SF pour la jeunesse des années 50, The Space Patrol (la Patrouille de l'Espace).
Quand Claude arrive dans la Forêt des Ténèbres, c'est le déluge de clins d’œil, certains très faciles pour nous français car classiques de la littérature et traduits, d'autres plus difficiles car principalement américains ou anglo-saxons. Du coup, les traducteurs ne ce sont pas embarrassé de ces passages qu'ils ont tout simplement supprimés (shame on you). Je les rétablis vu qu'ils sont très courts.
"He caught snippets of conversation from the darkness ahead (il capta quelques bribes de conversation) : "(1) Once upon a midnight dreary" as I... (2) slickty timorous beastie... (3) prepare for collision course... (4) tomorrow and tomorrow and tomorrow... (5) is gone fotch Pogo for the big perlieu Miz Boombah is holdin for all the little tads"
(1) : première phrase du poème d'Edgar Allan Poe Le Corbeau
(2) : "Wee, sleekit, cowrin, tim'rous beastie" : première phrase du poème de l'écossais Robert Burns To a Mouse.
(3) : je n'ai pas trouvé la référence.
(4) : Macbeth de Shakespeare
(5) : fait référence à Pogo, personnage d'un célèbre strip des années 50.
Parmi les personnages qui entourent le feu de camp on identifie Ray Bradbury. Viennent ensuite un alligator, un opossum et une souris. Il s'agit à nouveau d'une référence à Pogo dont les personnages sont : Albert Alligator, Pogo Possum et Deacon Mushrat. On trouve le lapin et sa montre d'Alice au pays des Merveilles, les sept nains de Blanche-Neige, le capitaine Nemo (de Jules Verne), le magicien, l'épouvantail et Dorothy du Magicien d'Oz (de Frank Baum), Edgar Allan Poe (référence à sa nouvelle Le Rendez-Vous/The Assignation qui se passe à Venise), Beowulf et Grendel, le professeur Challenger et Sherlock Holmes (de Conan Doyle), A.E. Van Vogt, la créature de Frankenstein (de Mary Shelley), le comte Dracula (de Bram Stoker), H.P. Lovecraft (extrait du Monstre sur le seuil), Hamlet (de William Shakespeare), John Carter (d'E.R. Burroughs), Jules Verne, Robin des Bois, les Frères Grimm, Theodore Sturgeon, Merlin, Tarzan, Donald Duck.


Alors où est Mars dans tout ça ? Partout et nulle part à la fois. Car les auteurs brouillent pas mal les pistes. Mais il n'y a pas d’ambiguïté sur le fait que nous ne sommes pas sur Mars mais bien sur Vulcain.

  • Une planète Vulcain qui se surnomme Sarboom et qui n'est autre que l'anagramme de Barsoom, nom de Mars dans l’œuvre de E.R. Burroughs. Et de Un.
  • Quand Claude tente de communiquer avec les monstres, son premier mot est : "Kaor !" En langage martien de la planète Barsoom, c'est une interjection de salutation. Et de deux.
  • La description des monstres qui attaquent la jeune femme ressemble à celle des calots de Barsoom : sorte de chien au faciès de crapaud, possédant dix jambes, une mèche hirsute sur le crâne. Et de trois.
  • Le nom de leur chef, Karskarskas, renvoie, lui, à Tars Tarkas, un autre personnage emblématique de Burroughs mais d'une autre race. C'est un martien vert, devenu le meilleur ami de John Carter. Dans la nouvelle d'Oliver et de Beaumont, cela va être aussi le cas. Et de quatre.
  • Woola est le nom de la princesse secourue. Dans l’œuvre de Burroughs, Woola est le nom d'un calot (donc pseudo-chien, voir plus haut) qui devient l'animal de compagnie de John Carter. De ce chien, les auteurs en font une femme qui sera chargée de repeupler le monde. Elle remplace l'Eve, que Claude abandonne sur Terre au début du récit. Et de cinq.
    [Mode spéculation : Ce qui m'interpelle surtout dans le personnage de Woola : un chien dans le livre, une femme dans la nouvelle. Est-ce que c'est une façon détournée de dire que l'attachement de John Carter pour son chien était ambiguë au point de lui substituer une femme, c'est quand même plus moral ? Mais la Woola femme, dont l'origine est un chien, n'est-elle donc pas de fait aussi l'animal de compagnie de Claude ? Il ne laisse d'ailleurs aucun doute sur la goujaterie et la phallocratie du "héros".]
  • On ajoute l'apparition de John Carter en chair et en os près du feu de camp et on arrive à six.
  • Enfin, on signale le vaisseau de verre qui ramène Claude sur Terre. Il me semble l'avoir aussi aperçu chez Burroughs. Et de sept.

Ces pirouettes, ces "croisements" de personnages découlent sûrement d'intentions particulières de la part des auteurs. Des intentions qui garderont leur secret. Mais s'il ne s'agit ici que de clins d’œil sortis de leur contexte, la nouvelle en elle-même est très sympathique. A noter qu'elle fait suite à une autre nouvelle qui laissait déjà apparaître le personnage de Claude : Claude à travers le temps (The last word).

1955 Claude l'Invincible (I, Claude)  Chad Oliver & Charles Beaumont dans Fiction n°34 de septembre 1956
(Côte martienne Like a Star @ heaven)  (Côte plaisir Côte plaisirCôte plaisirCôte plaisir)


Copyright © Culture Martienne 2007-2018

Partager cet article

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Commenter cet article