Planète Mars et martiens dans l'imaginaire et la culture populaire / Planet Mars and martians in popular culture
30 Septembre 2013
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L'histoire
Au début du XXe siècle, une singulière explosion fut observée à la surface de Mars par les astronomes. Dans la banlieue de Londres, à Ottershaw, le narrateur est invité par l'astronome Ogilvy à venir observer avec lui la planète rouge. Neuf autres explosions se succèdent nuit après nuit. Puis un jour, un météore vient s'écraser non loin de là.
Il s'avère vite être artificiel. Et après s'être dévissé, il dévoile ses occupants, des martiens. Mais ceux-là restent cachés afin de préparer leurs machines. Pendant ce temps, tous ceux qui tentent de s'approcher du cylindre sont réduits en poussière par une flamme destructrice. Le narrateur part rejoindre sa femme. Dans la nuit un second cylindre s'écrase.
L'armée qui avait été requise au départ pour défendre les martiens de la crainte des humains se retrouve à devoir protéger ces derniers. De ce qui se passe vraiment dans la lande, nul ne le sait. Mais quand les rumeurs de l'approche des martiens se précise, le héros décide de mettre en sûreté sa femme chez ses cousins à Leatherhead puis de revenir assister à la curée. Mais sur le chemin du retour, il se retrouve face à un gigantesque tripode qu'il évite à temps. Une fois chez lui, il croise le chemin d'un soldat qui lui en dit plus
long sur la transformation des martiens après avoir vu tomber un troisième cylindre. Les martiens, lents dans la pesanteur terrestre, ont assez d'intelligence pour concevoir une machinerie qui leur permet de se déplacer comme l'éclair. Les tripodes leur servent d'habitat, de locomotion mais aussi d'engin de guerre absolu avec leur Rayon Ardent dévastant tout sur son passage et leur Fumée Noire asphyxiante. Le narrateur craignant pour sa femme décide finalement de rebrousser chemin alors que l'artilleur, lui veut rejoindre Londres.
Parcourant ensemble le chemin commun, ils traversent une lande dévastée où quelques canons sont disséminés dans l'espoir de ralentir l'envahisseur. En chemin, ils assistent à un véritable exode de la population. Et à de nouvelles attaques de tripodes. Mais cette fois un canon réussit à toucher l'engin. Le sentiment de victoire est de courte durée. Les martiens ne tardent pas à riposter, d'autant que les autres cylindres partis de Mars continuent à arriver amenant plus de renfort. Le héros atteint une barque sur la Tamise et se lasse porter jusqu'à Walton où il s'écroule de fatigue sur la rive. C'est là qu'il rencontre le vicaire son nouveau compagnon de voyage.
Ensemble, ils assistent à la terrifiante organisation des tripodes pour anéantir l'espèce humaine pendant que les canons continuent désespérément à lutter contre plus forts qu'eux. La tactique des envahisseurs consiste notamment à enfumer tout ce qui pourrait abriter des êtres vivants tels les fumigènes dans un nid de guêpes. Le Rayon Adent ayant déjà incendié une bonne partie de la campagne anglaise, c'est avec leur Fumée Noire qu'ils poursuivent leur extermination. Les deux compagnons voient même des martiens enlever des humains, un par un, les laissant tomber dans une sorte de nasse à l'arrière de leur habitacle.
Exténués, ils se réfugient dans une maison près de Sheen. C'est là que tombe le cinquième cylindre. Dès lors, prisonniers des décombres, ils peuvent observer aisément les martiens : leur physionomie et leurs moyens pour construire leurs tripodes. Une sorte de "crabe" métallique muni de mains mécaniques conduit par les martiens - qui constituaient la partie cérébrale du crabe - agencent les éléments pour en faire leurs machines de guerre. Leur dextérité leur donne quasi l'aspect d'être vivants. Autant d'ailleurs que les tripodes eux-mêmes décrits par quelques mauvais observateurs comme étant d'une grande raideur, alors que des témoins plus avisés reconnaissent la souplesse incroyable des engins.
Pendant ce temps à Londres, les habitants se sentent encore protégés. Les nouvelles leur arrivent par la presse mais ils ne sont pas encore envahis par la crainte qui ne tarda pas pourtant à monter. Leur insouciance n'allait pas durer. Car à l'annonce de l'approche des premières volutes de gaz, une panique générale s'abat soudainement sur la population. C'est dans cette débandade que le frère du narrateur réussit miraculeusement à s'échapper de Londres. A ce moment là on en est déjà à six cylindres venus s'écraser sur le sol anglais. Puis un septième.
Toujours dans sa cachette, le narrateur n'a plus aucune chance de se voir aider et soutenu par le vicaire. Ce dernier a totalement perdu la raison. Il ne cesse d'haranguer, de crier. Il devenait difficile de le contrôler et de lui faire garder le silence pour ne pas attirer l'attention des martiens. Après une dizaine de jours ainsi, un martien fini par entendre les gémissements incessants. Rampant dans les décombres et étendant ses tentacules pour mieux sonder les ténèbres, il finit par tomber sur le vicaire inanimé, assommé par le narrateur pour le faire taire. Ce dernier, caché dans une soute à charbon, observe la scène, terrifié. Demeuré seul, il attendit plusieurs jours avant de sortir. Dehors les martiens ont complètement disparu. Seule l'Herbe Rouge, cette végétation ramenée de Mars par ses habitants, a envahi l'espace désolé et les ruines de Sheen. Près des points d'eau, elle devient carrément gigantesque. Pourtant, très vite, elle succombera aux bactéries terrestres et sa luxuriance finira par se rabougrir.
Reprenant sa route après quinze jours de captivité, le narrateur recroise le chemin du soldat son premier compagnon de voyage. Cela fait déjà cinq jours que ce dernier n'a plus vu un seul martiens. Ils sont partis de l'autre côté de Londres. Mais par contre il a entendu dire qu'on les avait vu expérimenter des machines volantes. Une nouvelle peu encourageante pour l'avenir de l'humanité. Cette dernière devra apprendre à lutter, à survivre. Seuls les plus forts, les plus organisés, les plus disciplinés, les plus patients ont une chance de maintenir l'espèce humaine en vie. Il faut mettre en place une rébellion intestine, observer les martiens, s'approprier leur technologie, endormir leur surveillance et frapper quand ils s'y attendront le moins. C'est ce que le courageux artilleur a en tête. Après avoir repris des forces, le narrateur préfère laisser le soldat à ses rêverie et repartir vers Londres où il en apprendra plus sur ce que deviennent vraiment les martiens.
La capitale est dévastée, pillée, brûlée, désertée. C'est un paysage de ruines fumantes qui l'accueille. Entourées d'un silence de mort. Pourtant, c'est aussi là que se trouve le dénouement. Car dans ce silence, un bruit étrange s'échappe d'un tripode apparu au loin. Mais plus près, l'homme découvre certaines machines inanimées, brisées, comme si leurs hôtes en avaient perdu le contrôle. Ils ont en fait été "tués par les bacilles des contagions et des putréfactions, contre lesquels leurs systèmes n’étaient pas préparés tués comme l’était l’Herbe Rouge, tués, après l’échec de tous les moyens humains de défense, par les infimes créatures que la divinité, dans sa sagesse, a placées sur la Terre." De retour chez lui à Woking, il retrouve enfin sa femme.
L'invasion martienne aura eu de constructif pour l'Homme qu'il ne peut plus se considérer comme seul dans l'univers. Cela aura permis d'imaginer que Lui aussi puisse un jour partir à la conquête de l'espace. Il devra désormais vivre sur ses gardes.
Le roman introduit l'idée que depuis longtemps déjà les humains, sans en être conscients, trop soucieux de leurs propres existences, sont observés par les martiens. L'Homme pouvait au mieux imaginer que des êtres inférieurs vivaient sur d'autres planètes et sur Mars en particulier, mais de là à penser que ces étrangers venus d'ailleurs puissent avoir l'intelligence des conquérants, Il en était loin. Le narrateur est en fait un des témoins de l'invasion martienne qu'il nous raconte six ans après les faits. Dans certaines adaptations, notamment dans le comics book de D'Israeli et de Ian Edington, on admet que le narrateur soit H.G. Wells lui-même. Par soucis d'authenticité, nous avons gardé dans le résumé ci-dessus, l'anonymat du conteur.
Ce roman aurait été influencé par une conversation entre Wells et son frère sur la colonisation. L'Empire britannique est à la fin du XIXe siècle à son apogée, mais l'écrivain, en homme de gauche n'est pas convaincu par les bienfaits de l'expansion du Royaume. La guerre des mondes devient une métaphore pour critiquer le Colonialisme et placer l'homme conquérant de l'autre côté de la barrière, là où cette fois c'est lui qui serait exploité, asservi. D'ailleurs, même la maladie qui fait disparaître les martiens est une référence à toutes celles que les blancs ont apportés dans les nouveaux territoires et qui ont été dévastatrices pour beaucoup d'indigènes.
Autre contexte historique : l'Allemagne s'est unifiée et armée et l'Europe redoute déjà qu'elle ne cherche à s'étendre. L’œuvre de Wells a donc ceci de prémonitoire qu'elle matérialise cette crainte et va devenir dans les années qui suivirent sa publication et encore aujourd'hui une autre métaphore celle de toutes les formes d'invasions et de persécutions que l'Histoire va vivre à partir de là. A la relecture de ce texte, je réalise à quel point il était très militarisé. Dans le but certain de montrer qu'une profusion de moyens technologiques n'est pas toujours la solution au problème. L'armée britannique sera effectivement bien impuissante devant la technologie des martiens, tout comme la bombe atomique larguée cinquante ans plus tard dans l'adaptation cinématographique de Byron Haskin.
Il est assez difficile de dissocier l'image de cette Fumée Noire asphyxiante, ce fog empoisonné libéré par des obus expulsés des tripodes, des gaz envoyés dans les chambres du même nom, quelques années plus tard dans les camps de concentrations. Mais cette même fumée était aussi annonciatrice d'une guerre plus proche d'elle, celle de 14-18 qui inaugura une nouvelle forme de conflit, la guerre bactériologique.
Toutes les scènes d'exode, de panique, ou même d'actes héroïques (plus rares) sont indéniablement universelles. Wells, n'a pas seulement écrit un roman de "romance scientifique", il a surtout transcrit un témoignage intemporel sur les horreurs de la guerre dont la structure narrative tient beaucoup du journalisme. Le récit est le rapport de ce qui est pleinement vécu par le narrateur et ensuite par ce qui lui a été rapporté. Les blancs ne sont pas comblés. Tout ce qui pouvait se passer ailleurs, n'est expliqué que si un autre témoin l'en informe. De même que la presse, omniprésente ne pouvait couvrir tous les fronts. On peut aisément comprendre que pour rendre son récit cohérent, le narrateur ait attendu un certain nombre d'années avant de publier son témoignage. Le temps d'évacuer les traumatismes mais aussi de réunir assez d'éléments pouvant enrichir sa propre expérience.
Quant à la spéculation scientifique, elle est en rapport avec les connaissances de l'époque. Peu de temps avant l'élaboration de son récit, Wells s'était intéressé aux travaux de l'astronome italien Schiaparelli qui pensait avoir identifié des canaux artificiels à la surface de Mars. Si l'on comprend néanmoins que l'auteur utilise les martiens (dont l'existence à l'époque est fantasmée mais non avérée) comme métaphore de ce qui a été écrit plus haut, il respecte quand même quelques données scientifiques, principalement d'ordre astronomique, afin de donner une crédibilité aux évènements. On reconnaîtra aussi dans le Rayon Ardent, le rayon-X découvert en 1895 par le physicien allemand Wilhelm Röntgen et quelques théories de l'évolution de Darwin (1859) quant à la supériorité martienne.
Pour la rédaction de cet article, je suis allée chercher des visuels (voir crédits au bas de la page) dans plusieurs sources, notamment les deux adaptations en BD que je recommande pour leur fidélité au roman d'origine :
2007 La guerre des mondes de Philippe Chanoinat au scénario et d'Alain Zibel au dessin. Cette bande dessinée parue aux éditions Adonis/Vents d'Ouest entre dans le cadre d'une série d'adaptations des grands classiques de la littérature. Son point fort : un dossier en fin d'album sur l’œuvre et l'auteur et un DVD bonus sur lequel on retrouve l'oeuvre intégrale de Wells en PDF en français et en anglais ainsi que le livre-audio narrer par Bernard Petit.
2005 H.G. Wells' La guerre des mondes de Ian Edginton au scénario et de D'Israeli au dessin parue chez Kymera. Une magnifique adaptation en comics, colorée, très, très fidèle donc le point fort est, contrairement à la version de Zibel et Chanoinat, de ne pas avoir omis certains détails importants comme l'évocation de l'Herbe Rouge ou les objets volants construits par les martiens.
A elles deux, ces BD constituent une mise en image précise de l'intégralité du texte d'origine.
A contrario, les adaptations cinématographiques sont assez divergentes, peu fidèles à l'oeuvre originale. Ce qui ne retire en rien à leur intérêt propre. Il sera intéressant de les décortiquer en parallèle du roman de Wells pour une comparaison fine maintenant que nous avons comme base le résumé ci-dessus. Trois versions existent : celle de Byron Haskin (1953), de Steven Spielberg (2005) et une version télévisée en deux parties de C. Thomas Howell (2008).
Je vais tenter maintenant de résoudre le mystère du nombre de cylindres réellement tombés. Il faut se rappeler que dix ont été expédiés de Mars. mais combien sont arrivés jusqu'à nous ? Ceci est intéressant car c'est sur la spéculation des cylindres non tombés que se basent nombres de pastiches qui ont suivi ce livre comme par exemple La nuit des tortues d'Howard Waldrop. On notera aussi que chaque cylindre peut contenir jusqu'à cinq tripodes.
1 - dans les landes de Horsell ; 2 - dans les pâturages de d'Addlestone ; 3 - à Pyrford ; 4 - dans Bushey Park au sud-ouest de Londres ; 5 - à Mortlake dans le Sheen, sur la maison voisine de celle où le narrateur se réfugie pendant quinze jours avec le vicaire ; 6 - à Wimbledon ; 7 - sur Primrose Hill à Londres.
A partir de là c'est un peu confus. Les trois derniers cylindres ne sont pas évoqués. Toutefois l'artilleur que le narrateur recroise à la fin du récit lui dit : "Ils n'en ont perdu qu'un, rien qu'un." Il peut autant s'agir d'un cylindre ce qui signifierait qu'effectivement l'un d'eux manque à l'appel et ait pu s'écraser ailleurs ou bien il s'agit du tripode abattu par l'armée au début du récit et dans ce cas, il y a trois cylindres "perdus". Théorie que Waldrop a retenue.
Descriptions martiennes
Calottes polaires : glace et neige fondant et inondant les zones tempérées au gré des saisons.
Climat : il y fait aujourd'hui très froid même à l'équateur. Saisons.
Communication : télépathie
Faune : on déduit que Mars possède d'autres créatures puisque les martiens ont transporté avec eux de la "nourriture" dont les restes indiquent qu'elles sont bipèdes, pourvues d'un squelette siliceux mais à la musculature assez faible. Elles ont six pieds de haut, la tête ronde et de larges yeux dans des orbites très dures.
Flore : L'Herbe Rouge. Sur Mars la végétation est rouge. Cette herbe a été rapportée sur Terre par les martiens et un temps envahie toute la campagne anglaise.
Invasion : elle s'est préparée dès le XIXe siècle mais même les grands observateurs tels Schiaparelli, n'ont pas su décoder les fluctuations observées sur la planète. Devant l'épuisement de leur planète ils cherchent un nouvel endroit pour immigrer. Les Terriens leur apparaissent comme des êtres inférieurs.
Mars : tourne autour du soleil à une distance de 225 millions de kilomètres. Plus vieille que la Terre et refroidie suffisamment pour laisser la vie apparaître. Il y a eu de l'air et de l'eau. Mais "plus vieille" signifie aussi plus près de son déclin. L'atmosphère s'est atténuée et les océans se sont réduits.
Martiens : la vie est apparue bien avant que celle de la Terre. Ils ont la forme d'une grosse masse grisâtre et ronde avec deux grands yeux sombres (une spéculation scientifique indique que pour eux le bleu et le violet leur paraissait noir) et une bouche baveuse en forme de V, la lèvre supérieure pointue, pas de front ni de menton et encore moins de narines, seize tentacules longs et mous entourant la bouche (huit de chaque côté). Sur Mars où la pesanteur est moins dense, ces minces lanières leur servent sûrement à se déplacer. A l'arrière de leur tête/corps, on devine une membrane tympanique qui pourrait faire office d'oreille. Ils ont du mal à respirer dans
notre atmosphère différente et leurs mouvements sont lourds et pénibles en raison de la pesanteur plus importante sur Terre. Leur anatomie interne (après dissection) révèle un cerveau gros cerveau et des nerfs énormes commandant yeux, oreille et tentacules. Leurs poumons sont reliés directement à la bouche. Ils n'ont aucun système digestif. Leur nourriture consiste uniquement à extraire le sang de leur victime à l'aide d'une pipette et de se le réinjecter directement dans les veines. Ils ne dorment jamais et sont totalement dénués de sexe. Leur reproduction est particulière. Le jeune martien pousse littéralement comme un gros bulbe sur le corps de son géniteur.
Technologies : instruments d'observations astronomiques. Sciences mathématiques. Robotique. Propulsion. Machineries tripodes hautes de trente mètres avec des câbles d'acier pendant sur les côtés et surmonté d'une boîte tirant un Rayon Ardent. Derrière la masse principale se trouvait une énorme chose de métal blanchâtre, semblable à un gigantesque panier de pêcheur. Leur machine possède aussi un tube agissant comme un canon éjectant des obus de gaz asphyxiant : la fameuse Fumée Noire. Leur technologie toute avancée semble néanmoins avoir totalement occulté la roue et le cercle.
Crédits images : 1-2-8 : ill. d'Alain Zibel pour la BD La guerre des Mondes (Adonis, 2007) - 3 : ill. Pearson (1898) - 4 : ill. d'Edgar P. Jacob (1946) - 5-6-7-9-10-11-12 : ill. de D'Israeli pour le comics La guerre des Mondes (Kymera, 2005)
1898 La guerre des mondes (The war of the worlds) H.G. Wells (Folio)
(Côte martienne ) (Côte plaisir
)
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